tête-à-tête

(désolé le titre est nul...)

Ils avaient marché en silence jusqu'au petit restaurant d'Asiya.
Uial sentait encore les braises de son désir rougeoyer en lui, ravivées par les souvenirs et la présence d'Ysaak non loin de lui.
Il se demandait ce qu'ils allaient bien pouvoir se dire... Il se disait aussi que s'il ne se passait rien, lorsqu'Ysaak allat le quitter, il éclaterai en sanglots.
Il ne savait pas exactement pourquoi, mais son corps le préssentait.
De plus, il n'y avait vraiment que les rêveurs romantiques complètement obsolètes pour imaginer ne serait-ce qu'un instant que le brun resterait avec lui après le repas. L'Elfe en faisait partie, mais malgré tout sa raison lui criait froidement qu'il y avait Ma, qu'il avait une maison, des devoirs, une vie à côté d'Uial.
S'il devait être aussi dépendant d'Ysaak dès le premier jour, ça n'allait aller qu'en empirant, et c'était la mort assurée.
Le blond soupira et entra dans le petit restaurant.
La décoration était coquette et conviviale, néanmois munie de quelques recoins plus sombres et discrets, parfait pour les couples désireux d'intimité douillette. De plus, il y avait peu de monde en ce soir de belle saison.
Un serveur les mena à une table et leur distribuère le menu.
Uial se mit en devoir de le lire, distraitement toutefois, ses yeux préfèrant se perdre plus loin, sur la silhouette parfaite du professeur.

"-Tu vas bien, Uial ?"
Ysaak s'inquiétait de voir cette petite lueur dans les yeux de Uial. Regrettait-il soudain tout ce qu'il avait fait ? L'ambiance de restaurant était paisible et douce, chaleureuse et accueillante. Elle était juste parfaite, s'adaptant si bien à la personne de Uial.
Les prunelles d'Ysak se relevaient parfois, par dessus le menu, attrapant au passage les jolies yeux de Uial, dans lesquels il distinguait un sourire.

"-Tu as décidé, Uial ? Je ne suis jamais venu ici, avant. C'est très agréable. Et puis, j'y suis avec toi..."

Sa main glissa lentement sur la nappe, et vint chercher celle de Uial, l'effleurant avec discrétion. Il appréhendait déjà le moment où ils allaient devoir lui dire au revoir. Il était partagé, il voulait rester près de lui, mais il avait peur, indiciblement peur. Il n'était pas habitué à tout ça, et ce qu'il avait fait tout à l'heure lui paraissait encore incroybale.

Il posa le menu sur la table, et se força à sourire.

Uial rendit son sourire au brun et serra doucement sa main.

- Ca va, je te rassure." fit-il. "C'était juste que... ça fait un peu bizarre de se retrouver dans la réalité alors que juste avant...
* c'était comme un rêve, et j'aurai voulu qu'on ne se réveille jamais...*

Il soupira imperceptiblement et posa sa carte.

- je crois que je vais prendre le menu B." reprit-il. "Et toi? Ici, le service est vraiment impeccable, j'aime bien y venir de temps en temps. Si tu as aimé on pourra toujours y revenir...

Cet embryon de discution lui semblait mort-né; il avait l"impression de débiter des platitudes, et soudain, il lui sembla que l'assurance qui l'avait habitée quelques minutes plus tôt s'était envolée.
Pourtant, il refusait absolument de tout gâcher par une énième maladresse, et il se jura de faire de cette soirée un moment agréable pour Ysaak, qui lui donnerait envie de recommencer; et d'oublier qu'ils allaient devoir se quitter un jour pour simplement profiter de l'instant présent, qui s'offrait à eux comme un éclat de pierre précieuse, si fragile et scintillant.

Ysaak haussa un petit sourcil amusé, constatant sans trop de mal que Uial se forçait à faire la conversation. Pourquoi ne pas simplement profité du silence qui s'instaurait entre eux, rien ne les obligeait à discuter après tout. Il reprit malgré tout :

"-Moi aussi je suis content d'être ici, c'est très agréable Uial. Mais tu sais, la réalité n'est pas si différente de la fiction, et rien ne nous empêche de retrouver le rêve que nous avons quitté il y a quelques instants. Et puis, je serais ravi d'y retourner, avec toi, ensuite. Enfin, je vais prendre le menu A, je ne mange pas de viande... sourit-il."

Il tendit sa carte au serveur, qui les fixait un peu perplexe, et murmura, quand il fut partit :

"-Tu me parles un peu de toi encore... Je veux tout savoir et si tu veux, après, je pourrais te parler de moi même si il n'y a pas grand-chose à dire..."

Une bouffée de chaleur envahit Uial aux mots d'Ysaak.
Son bas-ventre se serra et il se sentit rougir. Un petit rire gêné franchit ses lèvres.
Il donna précipitemment la commande au serveur et se râcla la gorge en regardant ailleurs.

- Et bien..." dit-il enfin. "Il n'y a pas grand chose à dire non plus... Je t'ai déjà raconté le plus gros... J'ai toujours habité dans mon village natal, dans une forêt plus à l'Est; avec mes deux parents et ma grande soeur, Gwael, et le clan entier. Il n'y a pas réelleent d'école là-bas, ce sont les Anciens qui apprennent aux enfants tout ce qui compose la vie. Ils m'ont appris comment respecter ce qui m'entourait, comment me servir des vertus naturelles de la Terre, comment comprendre les animeaux. J'ai suivi une formation de Chaman. Ensuite je me suis marié avec une fille de mon clan, Aldanea... Avant cela, j'avais eu une autre amie, mais c'était un amour impossible... je m'étais juré de ne plus recommencer, mais j'y ai été bien obligé. Enfin, Aldanea était une femme tout à fait respectable, elle était douce et gentille, et d'une grande beauté... un peu catégorique et colérique parfois mais c'est ce qui faisait son charme. C'était vraiment une épouse modèle...

Uial soupira en secouant la tête.
Le beau visage ovale et opalin d'Aldanea lui revenait, comme un fantôme - mais à la place de son sourire bienveillant se trouvait un rictus de mépris total.
Entre temps, le serveur avait apporté leur repas; le blond en profita donc pour boire une gorgée de vin, non sans avoir trinqué avec Ysaak.

- Elle était vraiment parfaite." reprit-il lentement. "Et elle m'a donné le plus grand des trésors qu'un homme puisse désirer... Anor et Ithil. C'était des jumeaux. Cela veut dire "soleil" et "lune". Comme un cliché, Anor était un peu fou et impulsif, tandis qu'Ithil était calme et réfléchi. Ils étaient bruns tout les deux, Ithil aux yeux bleux et Anor aux yeux d'un brun ambré, presque rouge. Ils étaient adorables.

Sa voix retomba. seul le murmure des autres conversations leur tenait compagnie. Le regard d'Uial restait fixé sur la chandelle posée au coin de la table.

Ysaak l'avait écouté sans un mot, fronçant les sourcils face à ce récit chargé de tristesse. Il souffla enfin du bout des lèvres :

"-Je suis vraiment désolé de tout ça... Je ne pourrais jamais te rendre tout ce que tu as perdu..."

Il n'était pas comme Uial, il n'avait rien laissé sur sa route, il avait juste fui comme un lâche, après avoir commis un cri aussi atroce qu'irraisonné. Deux meurtres, pour être plus précis. Les deux personnes qui l'avaient recueilli et même si ça n'avait pas toujours été un bonheur pur et parfait, il aurait pu s'en accomoder, s'il n'avait pas voulu autre chose. Il était égoïste et il le savait, encore plus face à Uial, qui était si gentil et si doux.

"-Je... Enfin... Je ne sais pas quoi dire, je suis stupide, pardonne moi. Je n'aurais pas dû insister de la sorte. Si tu veux, parlons d'autre chose... Je crois que je t'avais promis de te parler de moi, mais il n'y a tellement rien à dire... J'ai grandi près d'un père adoptif qi m'aimait je pense, mais il ne savait pas le montrer, puis il avait déjà une fille. J'ai fini par partir et je me suis retrouvé ici. Rien à voir avec toute la douleur que tu as ressenti..."

Ysaak baissa la tête, il ne pourrait jamais avoué qu'il avait été un meurtrier, alors que lui-même s'était rendu coupable de ce crime.

La vision des petits jumeaux disparut de l'esprit d'Uial.
Il sourit faiblement en regardant ysaak.
Il paraissait vraiment triste pour lui.

- Ne sois pas désolé ainsi, Ysaak." dit-il doucement. "Ce n'est pas moi qu'il faut pleurer, mais plutôt eux. Ils n'ont vraiment pas eu de chance avec moi. J'ai été tellement égoïste...

Il soupira à nouveau et mangea un peu.
La nourriture lui semblait fade, remplacée dans sa bouche par le goût amer des regrets.

- Lorsque tu dis que tu ne pourra jamais me rendre ce que j'ai perdu..." reprit-il. "Je n'en suis pas si sûr. Enfin, oui, tu ne pourra jamais me rendre mes enfants, ni Aldanea, mais... au fond de moi... ce sont les êtres comme toi que j'aime. Je me suis marié parce que j'avais peur et que je voulais être comme les autres. Tu sais, comme ça, je parais peut-être fort ou sûr de moi, mais en réalité je suis un vrai lâche!

Le blond lâcha un petit rire qui était tout sauf gai.
Il avait l'impression que la soirée allait en se dégradant.

- Ton père... enfin, celui qui t'as recueilli, tu pourrais peut-être le revoir? Maintenant, tu es adulte, vous pourriez pareler entre vous, non? Comme ça cela t'enlèvera un poids certain du coeur...

A la tête que fit Ysaak, Uial grimaça et se dit qu'il avait encore fait une gaffe monstrueuse.

Ysaak baissa les yeux et murmura :

'"-Tu n'es pas un lâche, Uial, non, tu n'en es pas un. Être lâche, cela aurait été, te lamenter, ne pas être capable de faire tout ce que tu as fait. Je t'admire, beaucoup, je n'aurais pas été capable de faire ça... Et tu n'es pas un égoïste, je ne veux pas que tu penses ça de toi."

Ysaak n'avait pas touché à sa nourriture, se contentant de fixer Uial.

"-Je ne pourrais pas te redonner ces enfants que tu aimais... Je ne suis pas une femme *et pas vraiment un homme non plus* rajouta t-il mentalement.

"-Je ne veux pas que tu sois triste, je n'aime pas ça..."

Il pensa enfin à la question de Uial, et répondit :

"-Je ne pense pas que je pourrais le revoir. Il est mort malheureusement. Et... c'est... enfin, peu importe, ne parlons pas de ça."

Uial tendit la main pour toucher doucement la joue froide d'Ysaak.

- Mais c'est la vérité, Ysaak..." murmura-t-il. "Si ce n'est pas être égoïste et lâche que de fuire sa vraie nature et de mentir à ceux qui nous aime pour se sauver la face, alors qu'est-ce que c'est?

Sa main retomba pour enlacer celle du brun.

- Je ne suis pas triste, Ysaak. Je ne le suis plus. Maintenant je t'ai, toi. Et avec toi j'apprendrai à oublier. Tu es fort à ta manière, et tu es tout ce que je désire à présent.

Le blond lui fit un petit sourire.
L'expression d'Ysaak était sombre, encore à cause de ce qu'il avait dit.
Il voulait le voir à nouveau heureux, comme lorsqu'ils étaient dans la chambre.
Si c'était possible.

- Tu ne mange pas?" demanda ensuite Uial, en remarquant l'assiète intacte de son ami. "Je suis désolé, je parle de choses tristes, et je te coupe l'appétit... dis-le moi si tu veux que nous partions...

"-Ne t'inquiète pas, je ne veux pas partir. Je suis bien ici, c'est juste que... repenser à tout ça est un peu désagréable."

Il se força à manger et sourit, en prenant à son tour la main de Uial dans la sienne.

"-Je suis aussi heureux de t'avoir trouvé. J'ai l'impression que mon malheur se dissipe doucement. Mais tu te trompes, je ne suis pas fort, ce n'est pas vraiment moi qui l'est en tout cas, c'est ma peur, qui me fait devenir fort et rien d'autre."

Ysaak soupira, et se mordit la lèvre, il en disait peut-être un peu trop. Il but calmement le vin qu'il n'avait pas touché.
Une demi heure plus tard, il avait terminé leur repas, et Ysaak, ayant un tant soit peu retrouvé le sourire, lui dit :

"-Veux-tu aller le promener un peu ? Ca nous évitera de penser à tout et je n'ai pas vraiment envie de songer à ce que j'ai fait..."

Ysaak bloqua un instant, en espérant que Uial n'ait pas décélé ce mot accusateur.

Uial sourit, franchement cette fois, et se pencha par dessus la table pour embrasser délicatement les lèvres d'Ysaak, sans craindre qu'on puisse les voir.
Après tout, le seigneur même d'Asiya avait des fréquentations masculines, alors qui allait les blâmer?

- Qu'est-ce que tu as fait?" murmura-t-il contre la bouche chaude de son amant. "Soudoyé le serveur pour qu'il nous laisse partir sans payer?

Un petit éclat de rire franchit la gorge du blond et il passa lentement sa langue sur les lèvres entrouvertes de son compagnon.

- A propos," fit-il en se reculant. "c'est moi qui paie. Ensuite, pourquoi pas, nous irons nous promener. Il fait si bon dehors. *et cela retardera le moment de nous quitter, mon si beau professeur...*

Sur un geste de l'Elfe, le serveur leur apporta l'adition.

(punaise, j'ai perdu ma note précédente)

Ysaak sourit, et reprit :

"-Oh tu sais, je ne crois pas que ce soit mes charmes qui auraient pus le troubler, mais plutôt les tiens. Enfin... Tu es sûr que tu ne veux pas que l'on partage ? Ca me gêne un peu, tu sais. Enfin, j'espère que j'aurais d'autre occasion pour me rattraper."

Il laissa Uial l'embrasser, bien qu'un peu embarassé par cette situation. Il n'aimait pas être ainsi exposé à la vue de tous, lui qui était timide et réservé. Certes, il ne pensait pas qu'on lui en tiendrait rigueur, mais malgré tout, il avait du mal à aprécier leur baiser. Il se recula doucement quand le serveur revint, et il ne se leva pas tout de suite. Ysaak reprit enfin :

"-Si tu veux... Tu veux aller où ?"

Il se mit debout et enfila son manteau, calmement.

Uial paya leur note tout en discutant un peu avec le serveur, puis il sortit en compagnie d'Ysaak.
Une fois dans la rue, il soupira.

- Finallement, ça n'était pas si mal que ça..." dit-il en se tournant vers con compagnon.

La lune était presque à son zénith et éclairait d'une mystérieuse lumière bleutée tout ce qui les entourait.
La peau pâle d'Ysaak reluisait étrangement, il ressemblait à un fantôme, seul son visage apparaîssant dans l'obscurité, le reste de son corps se fondant dans la nuit.
Uial sourit et se serra contre lui, apportant une de ses mains gantées à sa bouche pour l'embrasser.

- Nous pouvons aller au parc de la ville, qu'en dis-tu?" demanda-t-il ensuite. "Amoins bien sûr que tu ne veuilles rentrer. après tout, toi tu as un travail prenant, je ne voudrais pas que tu te fatigue pour rien...

Il avait parlé doucement, dans le cou de son amant, respirant avec délice son parfum discret.

- Que décides-tu, mon bel Ysaak...?