Ysaak Nergal

Quand il vit Uial baisser la tête, Ysaak se mordit la langue. Il n'avait plus ses gants, et la cicatrice atroce de sa main ne pouvait être dissimulée par son pull, sans que cela ne se voit immédiatement. Il n'osait pas non plus remonter pour se changer, cela aurait été impoli, et il l'avait déjà été bien assez comme ça.
"-Et si vous restiez manger ?"
Ysaak plissa les yeux, et laissa sa main échouer contre son front, en secouant la tête. Et dire qu'il était étonné que Ma n'ait pas encore posé la question. Il posa sa main sur l'épaule de la vieille femme, et la reprit :
"-Il a peut-être d'autre chose à faire que de dîner avec nous, tu sais.
-Allons donc, refuserait-il une invitation par une vieille femme comme moi ? Je suis sûr que non, n'est-ce pas ?"
Ma se tourna vers Uial qui avait relevé la tête. Ysaak toujours aussi rouge, attendait du moins sa réponse, et malgré lui, il l'espérait positive. Mais qu'en serait-il vraiment ? Qui lui disait que Uial voulait passer la soirée avec eux, et surtout avec lui, tandis que Ma, chaque soir, allait se coucher très tôt.

- C'est à dire que...

Le blond cherchait ses mots. Il avait pourtant été prévenu par Ysaak que la vieille femme chercherait à l'invîter, et il avait dit "essayez de résister". Il ne devait pas vouloir qu'il s'attarde encore chez lui.
Et de toute façon, Uial ne savait plus quoi dire, il ferait très mauvaise impression s'il mangeait ici car il n'aurait aucune conversation.

- J'ai encore un peu de travail, je dois fermer la boutique, et..." il respira. Refuser une invitation en prétextant le travail était-il une bonne idée? "Je ne voudrais surtout pas m'imposer et vous donner plus de vaiselle et de cuisine à faire...

C'était mauvais, très mauvais.
Mais il ne opuvait décemment pas rester plus longtemps.
Il avait déjà essayer d'esquiver - sans grand succès - et Ysaak semblait ennuyé.

- Non, vraiment, c'est très gentil à vous de me faire cette proposition, mais je ne crois pas que cela serait raisonnable... Peut-être une autre fois?" finit-il par demander, histoire de ne pas passer pour un rustre fini.

"-Allons donc, s'écria Ma, qui n'e démordait pas. Je suis têtue, vous savez, je n'arrêterai pas tant que je n'aurais pas eu la réponse qui me convienne ! Cessez donc de travailler, il n'est déjà plus l'heure de le faire ! Je suis sûr que ça ferait plaisir à Ysaak, s'il vous a permi de venir ici !"
Le brun devait avoir exactement la même couleur que les vêtements de Uial, sinon pire. Ma était trop directe, et ne prenait jamais les choses avec des pincettes. Comment avait-il pu en arriver jusque là ? Dépité, il prit son visage entre ses mains, pour cacher ses rougeurs, et baissa les yeux, en les relevant discrètement vers Uial dont il attendait la réaction.
"-Et puis ça sera une bonne occasion de vous remercier pour la fleur ! Allez, allez, installez-vous !"
Elle poussa Uial sur une chaise, et lui prénsenta un verre, donnant une bouteille à Ysaak qui ne savait pas quoi faire avec. Ma lui donna une claque dans le dos :
"-Sers donc ton ami, au lieu de rester planté comme ça !"

Uial eut juste le temps de lâcher un "oui, d'accord" avant de se retrouver projeté à l'intérieur de la maison, et assit sur une chaise dans ce qui devait être la salle à manger.
Il posa sa baguette sur la table et regarda ses mains, ne sachant que dire.
Puis on lui donna un verre, et il sourit pour remercier Ma, avant de lever les yeux vers Ysaak qui tenait la bouteille.
Visiblement, ce dernier était aussi largué que lui quand à savoir où voulait en venir Ma.
Il lui versa un peu d'alcool et s'assit sans rien dire.
Uial le remercia doucement et fit tourner le liquide dans son récipient avant de regarder un peu aux alentours.
La maison était petite mais très coquette. Elle était en bois et en pierre, comme la majeur partie des habitations d'Asiya, avec de jolis rideaux un peu vieillot qui laissait filtrer la lumière changeante.
La plante qu'Ysaak avait acheté était posée au centre de la table et Uial tendit la main pour en caresser les pétales.

- Elle est belle..." murmura-t-il. "Elle va à ravir ici.

"-Vous... vous trouvez ? Enfin... oui, elle est belle... Ma s'en occupe plutôt bien."
Ysaak ramassa distraitement un pétail qui était tombé, et l'observa un instant, c'est vrai qu'il était beau. La tête baissée, ses yeux se redressaient parfois, mais Uial ne le regardait pas, il était absorbé par la fleur tout entière, il y avait de la passion sur son visage, ce dont Ysaak ne se savait pas capable. Il ne se passonnait pour rien, si ce n'est peut-être pour l'Hitoire, mais ce n'était qu'une échappatoire, et rien de plus. Ma ne lui laissa pas le temps de penser encore, elle revint avec un plat fumant qu'elle posa sur la table.
"-Ma, tu es folle, nous ne sommes que trois !
-Ne discute pas, tu es maigre comme un clou. C'est malheureux quand même."
Ysaak rougit à nouveau, et ne dit rien, tandis que Ma lui versait de la nourriture dans son assiette. Le repas se fit à deux voix, celle de Ma et de Uial, qui répondait aux questions pressées de la vieille femme, qui voulait tout savoir. Ysaak avait observé avec attention les réactions du jeune homme, et il avait bien vu que certaines le dérangeaient, notamment celles sur son passé, auxquelles il répondait évasivement.
Vers neuf heures, Ma disparut dans sa chambre, ils l'entendirent se coucher, et ils restèrent tous deux, l'un en face de l'autre, sans savoir quoi se dire.

Que pensait Ysaak de lui?
Certainement pas du bien...
Il avait passé la soirée à parler de plantes avec Ma et à éviter ses questions un peu trop pointues - surtout celles qui concernaient son passé.
Et puis il ne l'avait pas encore regardé en face. Il détournait le regard dès que leurs yeux se rencontraient au détour d'un mouvement.
A présent, ils étaient seuls dans la salle à manger, le silence de la nuit pour troisième compagnon.
Uial se secoua. il devait bien dire quelque chose! Ils n'allaient pas rester comme ça, à attendre de se changer en pierre - quoi que, au moins, il se passerait quelque chose.

- C'était délicieux." dit-il, ravivant la conversation par une phrase bateau du plus mauvais effet. "Ma est vraiment gentille. Vous avez beaucoup de chance de l'avoir...

"-Oui, elle est vraiment parfaite. Sans elle, je serais déjà mort, certainement."
Ysaak se mordit la lèvre, ayant soudain l'impression d'en avoir trop dit. Quel intérêt pouvait avoir cet homme pour sa personne ? Une partie de la réponse résidait même déjà dans la question : lui aussi était un être masculin, il ne pouvait avoir quelque chose entre eux, c'était contr enature, du moins c'est ce que pour Ysaak, Uial pensait. Et qui voudrait de lui de toute façon ? Un borgne taciturne et depressif, qui ne sait pas rire et s'amuser.
Il jeta un autre coup d'oeil à la pendule, et demanda :
"-Avez-vous quelque choseà faire ? ma vous a retenu tout à l'heure, mais il me semblait que vous aviez du travail ? Peut-être voulez vous rentrer chez vous ?"
Il se força à le regarder dans les yeux, et il attendait un non, c'était tout ce qu'il voulait. Il respira profondément, quand Uial s'apprêta à lui répondre.

Uial sourit.

- Oh, trois fois rien. Juste vérifier que tout va bien à la boutique." Il décida de lui dire la vérité que cachait ce petit mensonge. "A vrai dire, comme vous m'aviez prévenu qu'elle insisterai... j'ai essayé de refuser poliment mais en réalité j'avais envie d'accepter...

Le blond osa lever les yeux vers Ysaak. Serait-il choqué, énervé ou ravi?

- Mais vous, peut-être aviez-vous aussi des choses prévues..." reprit-il.

Puis, voyant que le brun secouait doucement la tête de façon négative, l'Elfe décida de se détendre et de parler d'autre chose.

- Alors comme ça... Ma et vous habitez ici depuis longtemps?

Ysaak avait sourit discrètement quand Uial lui avait dit qu'il avait eu envie de dire oui. Il s'en réjouit en silence et répondit à la question du fleuriste :

"-Ma habitait un petit village environnant mais elle a préféré venir ici quand son mari est mort pour se sentir moins seul. Moi, je vis avec elle depuis deux ans. Elle m'en a fait voir des vertes et des pas mûres ! C'est un sacré petit bout de femme, vous savez. elle est très précieuse pour moi."

Ysaak se détendait doucement, comme cela ne lui était plusa arrivé depuis longtemps, maintenant. Uial avait réussi à lui inspiré confiance, après tout, s'il avait réussi à plaire à Ma, pourquoi pas à lui ?

"-Si vous le souhaitez, je peux vous raccompagner jusque chez vous. Je ne connais pas grand-chose en fleurs, mais... j'ai toujours trouvé ça beau."

Ysaak s'étonnait de sa témérité, qu'en serait-il pour Uial ?

Uial écouta attentivement le bout de passé, certes vague, que lui dévoila Ysaak.
Puis lorsqu'il lui proposa de le raccompagner, il baissa à nouveau la tête - cette journée n'avait été que fuite, pourquoi? - et répondit:

- Ca devrait aller. Vous semblez fatigué, alors je ne voudrais pas vous obliger à vous déplacer encore...

Pourtant, il regrettait ses paroles. Il avait espéré, au fond, rester encore un peu et connaître mieux Ysaak.
Quoi qu'après tout, ils pouvaient tout à fait continuer à discuter chez lui, ou du moins le temps de faire le chemin.
Mais deux impression s'imposaient à lui. La première était qu'il avait la sensation d'abuser. Depuis le début, tout n'avait été que malentendus mais il avait quand même réussi à venir chez Ysaak - sans pourtant en savoir plus sur lui.
La seconde impression, beaucoup plus étrange et à laquelle il n'avait pas d'explication, était qu'il lui semblait que tout deux tournaient autour du pot. Mais de quel pot s'agissait-il?
Il attendit patiemment la réponse du brun professeur.

"-Je ne suis pas fatigué, je me couche le plus souvent à des heures impossibles. Ca me fera du bien de marcher, je crois, mais si vraiment je vous dérange, dites-le moi, ce n'est pas un problème."

Encore des hésitations. Il n'y avait eu que ça, depuis le début de leur rencontre. Cette fois-ci, il ne voulait plus hésiter, pousser par une assurance toute nouvelle, il insista :

"-Pourquoi ne pas y aller tout de suite ? Je laisse un petit mot à Ma, où cas où elle s'inquièterai."

Il grifonna quelques phrases sur une feuille qu'il laissa sur la table. Il sortit enfin à la suite de Uial, qui n'avait pas protesté. Ysaak navait pas pris son manteau, et ce fut en ayant la sensation désagréable d'être nu; qu'il marcha près du fleuriste. heureusement pour lui, la nuit était tombé, il y a avait peu de chance pour qu'on le reconnaisse, d'une manière ou d'une autre. Ils avançaient en silence, et quand ils arrivèrent devant la porte du magasin de Uial, il se retrouva pris au dépourvu. L'inviterait-il seulement à entrer avec lui ?