L'appartement d'Uial En-Laer, au-dessus du magasin.

Ils avaient marché en silence, encore une fois.
Uial avait l'impression que sa journée se résumait à ça: marcher, se taire, baisser les yeux, mentir, se cacher, attendre et avoir peur.
Même l'atmosphère bonne enfant du repas chez Ma ne l'avait pas marqué plus que cela.
Ils arrivèrent donc à Loth en Ethuil, entrèrent dans le magasin et Uial dévoila une porte dans un coin de la pièce, derrière laquelle se cachait un escalier sombre.
Il invîta du regard Ysaak à monter le premier, puis, une fois au premier étage, il alluma une petite lampe à pétrole qui éclaira l'appartement d'une lumière chaleureuse.

- Voilà, c'est chez moi..." dit-il bêtement.

Ils ne pouvaient pas être ailleurs. Mais en même temps, il se sentait étrangement heureux qu'Ysaak soit là.
Cela changeait. Il avait toujours habité seul ici, et presque personne n'était monté.

- Je vais faire chauffer de l'eau. Désirez-vous également un thé?" demanda-t-il en disparaissant dans la petite cuisine. "Au fait, mettez-vous à l'aise, ne restez pas debout.

Uial ne savait pas à quoi s'amusaient les Dieux, mais en tout les cas, cette journée avait été plus qu'éprouvante. Une bonne tisane aux plantes les détendrait et les aiderait à trouver un repos calme.
Il revint dans la pièce principale, qui servait à la fois de salle à manger et de salon, avec un plateau où fumaient deux bols qu'il déposa surune table basse avant de s'assoir en face d'Ysaak.

Ysaak croisa les jambes, et observa le salon. Il était bien aménagé, de nombreuses fleurs et plantes en avaient pris la possession, et il y avait un agréable odeur qui envahissait la pièce. Ysaak prit avec précaution la tasse que lui avait rapporté Uial, et il huma la saveur sucrée du thé, avant de le porter doucement à ses lèvres. C'était bon, et il sourit à Uial, en face de lui. Il se sentait à l'aise, il avait presque l'impression que le fleuriste était bel et bien son ami.

Il n'y avait plus que Verdelet maintenant, sombre présage, mais ce jeune homme, resplendissant, à la longue chevelure claire, était tout le contraire de lui. Pourtant dans ses yeux, il y avait tant de tristesse, et de douleur, qu'il voulait soudain en apprendre plus.

Il reprit une gorgée de tisan et reposa son bol, remonttant les manches de son pull, il se récria :

"-Vous ne me parlez pas de vous. Qu'avez vous fait avant d'arriver dans ce village ? Car si j'ai bien compris, vous n'êtes pas né ici, n'est-ce pas ?"

Mais Ysaak regretta immédiatement sa question, quand il vit le visage de Uial se rembrunir. Cette parfaite entente ne pouvait pas durer.

Uial souriait - comme toujours - en regardant Ysaak boire ce qu'il avait préparé.
Il avait bel et bien l'impression que la glace entre eux était en train de fondre, doucement mais sûrement.
Et le professeur d'Histoire semblait tellement différent que lors de leur première rencontre. Il avait l'air plus à l'aise et plus sûr de lui.
Pourtant il ne pu s'empêcher d'être blessé - ou plutôt, il ne pu empêcher une vieille cicatrice de se rouvrir - lorsque le brun le questionna sur son passé.
Mais pouvait-il lui en vouloir? N'était-ce pas la question que tout le monde se posait lorsqu'il s'agissait de faire connaissance? Il était normal d'en savoir un peu plus. Les amitiés construites derrière une vitre fumée ne pouvaient durer.

- Et bien, non, je ne suis pas né ici." lâcha l'Elfe en s'enfonçant dans son fauteuil, le regard fixé sur le sol. "Je viens d'une lointaine forêt. mais je ne sais pas si elle existe toujours aujourd'hui. J'y ai longtemps habité, y travaillant comme médecin au sein de ma communeauté avant de...

Il ferma les yeux et inspira profondément.
Le nombre de gens au courant se comptaient sur les doigts d'une seule main.

- Avant d'errer plusieures années... En fait, je... J'avais des enfants qui m'avaient été enlevés et je les ai cherchés partuot, sans succès... je suis revenu chez moi, et j'ai su, plus ou moins inconsciemment, que c'était fini... Alors je suis parti, vous comprenez, je ne pouvait plus vivre dans cette maison si pleine de crimes. Je suis venu ici, dans l'espoir d'oublier, mais ce n'est jamais aussi simple que cela n'y paraît...

Le blond se tut. Il n'en avait jamais dit autant à personne en un seul coup.
Il sentait les larmes cruelles du souvenir se presser contre ses paupières closes à l'évocation de ses deux petits, si petits, si innocents et purs, perdus à jamais.

Ysaak sentit lui aussi les larmes se presser au bord de ses yeux. Voir une telle souffrance, alors qu'à peine quelques secondes avant, Uial était encore plein de joie, le peine plus que tout, et il bafouilla, sans y croire :

"-Je suis désolé, je n'aurais pas dû poser la question."

Mais Uial ne répondit pas, et Ysaak prti son courage à demain, il se leva, sans bruit, et vint s'asseoir près du fleuriste, levant les mains, qu'il hésitait à saisir sur les épaules de son nouvel - et unique - ami. Elles tremblèrent, restèrent à quelques centimètres de sa tuniques pendant plusieurs minutes, avant de s'y poser, de plus en plus fermement, quand Uial étouffa un sanglot douloureux.

"-C'est à moi de te consoler, maintenant."

Pour la première fois, il le tutoyait, et ce n'était pas si compliqué, c'était même agréable, cela faisait tomber une autre barrière, encore. Et même si l'occasion semblait innoportune, il se rapprochait de lui encore. Il le prit complètement dans ses bras, maladroit qu'il était, il savait comme s'y prendre, et il se serra plus qu'autre chose contre Uial, espérant peut-être le calmer. Il était bien, malgré les pleurs du jeune homme, et ses larmes qu'il sentait tomber sur la peau de ses bras.

"-Chut, calme-toi. Ne te fais pas de mal... Mais si tu veux pleurer, pleure, je suis là."

(kyaaaaaaaa kawaiiiii!!!)

Uial se prit le visage dans les mains et se laissa glisser au sol, à moitié sur Ysaak, caché contre son torse et protégé par ses bras.
C'était tellement ridicule, il était adulte, et pourtant il n'arrivait pas à se maîtriser dès qu'il repensait à ses deux enfants.

- Je suis désolé!" gémit-il. "Je suis désolé, je suis bête...! Mais ils étaient si petits, si gentils, je n'ai rien pu faire... je les aimait tellement, ils étaient une partie de moi... Ils venaient de moi... Et ils sont morts, je ne sais même pas comment, ni pourquoi, ni si ils ont souffert ou si on les a séparés, ou pire... Je n'ai pas assez cherché... Je suis un être lamentable; j'ai été un mari lamentable, incapable d'amer sa femme comme il aurait du; un père lamentable incapable de protéger ses enfants; et un homme lamentable incapable de se comporter correctement avec les autres et de faire attention à eux... Je suis désolé...

Ses mains blanches avaient quitté son visage pour venir s'agripper aux épaules d'Ysaak, enfonçant ses doigts dans la chaire fragile, comme s'il faisait naufrage dans la mer du désespoir et que le brun était sa seule bouée.
Sa gorge le brûlait, ses yeux aussi; il sentait son nez couler et les larmes maculer le pull propre d'Ysaak; il était parcouru de spasmes désagréables et incapable de dire autre chose que ses balbutiements à demi compréhensibles.
Il se laissait complètement aller contre le corps chaud et rassurant de son cadet, mêlant frénétiquement ses doigts aux mèches brunes, respirant à grands coups saccadés son odeur discrète.
Une de ses mains se posa sur le visage d'Ysaak, modelant ses traits comme pour se rassurer, certifier qu'il était bien là et que ce n'était pas un délire qui suivait sa crise de larmes, puis il s'écarta lentement du brun, pleurant toujours, et laissa tomber ses bras le long de son corps avant de baisser la tête contre son épaule pour essuyer vainement ses joues rougies par les sanglots.

- Je suis désolé, je me laisse aller... je ne voulais pas vous faire honte, pardonnez-moi..." hoqueta-t-il en tentant de se remettre sur son fauteuil, tout tremblant et faible qu'il était.

Ysaak s'était senti désemparé quand Uial avait fondu en larmes dans ses bras, et il s'était laissé faire, se laissant toucher par le jeune homme effondré contre lui. Il voulait l'apaiser mais il était impuissant et il lui dit, le tutoyant toujours :

"-Tu n'es pas un mari lamentable, je suis sûr que tu aimais ta femme. Je suis persuadé que tu étais un père formidable, tu ne peux rien contre le destin, tu as essayé de sauver tes enfants, tu as essayé et tu les aimes encore, c'est ça, le plus important. Il ne faut pas que tu les oubliers, il faut que tu continues à les aimer. Et tu n'es pas un homme lamentable non plus, la preuve, tu as réussi à me faire parler, tu as réussi à me faire ressentir autre chose que désespoir, que de la peur, que de la haine. Tu es quelqu'un de bien, Uial En-Laer.''

Il l'avait repris contre lui, alors que le fleuriste l'avait lâché, et il le serrait encore.

"-Tu n'es pas faible, au contraire. Tu t'es retenu pendant toutes ces années, et tu voulais faire sourire les autres, tu es vraiment quelqu'un de bien, répéta t-il, une nouvelle fois."

Son pull était mouillé de larmes mais il n'en avait cure, il obligea Uial à se redresser doucement, et poussé par un autre lui, un Ysaak téméraire et envieux de connaître autre chose, il se pencha vers lui, s'arrêta à quelques centimètres de sa bouche. oserait-il seulement aller plus loin ?

Uial leva lentement les yeux vers Ysaak, incertain, les lèvres tremblantes, les joues encore mouillées, et la main levée au niveau de son torse, les doigts repliés, comme une faible barrière qui ne serait pas bien difficile de passer.
Il était coincé, de toute façon, entre le fauteuil et le corps d'Ysaak dont il venait de se séparer.
Et ne venait-il pas d'avouer implicitement un bout de sa vérité, en disant qu'il avait mal aimé sa femme?
Le souffle chaud du brun caressait son visage.
Et puis Ysaak avait été si différent, si gentil avec lui ce soir, et réconfortant - bien que le blond ne croyait pas à cent pour cent en ses paroles. Et si attirant aussi, depuis le début, avec son regard, sa peau pâle et douce toujours camouflée, son sourire si maldroit, sa voix basse qui ne savait que dire...
Le blond brisa l'espace qui séparait leurs bouches, et frôla les lèvres du professeur des siennes, guettant sa réaction entre ses yeux mi-clos.

Ysaak avait rougit quand les lèvres de Uial avaient frôlé les siennes, mais il n'avait pas trouvé ça si désagréable... Il respirait lentement, il ne savait que faire, devait-il continuer, ou le laisser venir à lui.

Il voyait la poitrine de Uial se lever doucement, à chaque inspiration, et la main qu'il avait posé sur celle ci suivait le même chemin.

Uial était beau, les joues ravagées par les larmes, le souffle haletant, les lèvres tremblantes, ses grands yeux qui ne comprenaient plus ce qui se passait.

Il osa enfin, s'approcher de lui, se collant à lui, entre ses bras, qui ne se serrait pas malgré tout autour de lui mais il ne perdait pas espoir. Ce fut lui qui noua ses mains autour du cou de Uial, et son coeur battant la chamde, et il osa à nouveau, presser ses lèvres contre les siennes, sans s'écarter aussitôt, gardant sur lui la saveur de cette bouche royge et pleine.

Uial sentit la main d'Ysaak glisser dans son cou, sous ses cheveux emmêlés, et appuyer doucement sur sa tête pour celler franchement leurs bouches.
Le baiser fut chaste. Ils goûatient simplement les lèvres qu'ils s'offraient, sans oser faire aucun autre mouvement, ni dire quelque chose.
Puis la main de L'Elfe quitta sa poitrine pour venir sur celle d'Ysaak, accrochant son pull.
Il se laissait de plus en plus aller, fermant son esprit pour ne plus penser à rien d'autre qu'au brun.
Uial ouvrit un peu plus la bouche, laissant la voie libre aux inquisitions gourmandes d'Ysaak, et laissa son poids partir en arrière pour que le jeune homme s'approche un peu plus de lui. Mais le fauteuil qui le retenait n'était pas très lourd, aussi recula-t-il sous la pression des deux corps enlacés, et l'Elfe tomba au sol, gémissant sous le poids cependant agréable du brun qui avait suivit le mouvement.
Ce dernier se redressa, haletant, le regard un peu vague mais plongé dans celui, tout aussi flou du fleuriste.
Uial rougit furieusement en prenant conscience de leur position et de ce qu'ils venaient de faire, eux, deux êtres de même sexe, de races opposés, lui jadis marié et père et le brun solitaire et froid.
Il détourna la tête, atrocement gêné et se racla la gorge, ramenant sa main à sa bouche qui conservait la saveur de celle d'Ysaak, tout en essayant de calmer les battements désynchronisés et furieux de son coeur.
Devait-il s'excuser? Il le volait mais il lui semblait que lâcher un son en cet instant aurait un effet dévastateur.

Ysaak avait eut un petit gémissement quand ils étaient tombés au sol. Il s'était retrouvé à califourchon sur Uial, à se fixer dans le blanc des yeux, haletants, ne sachant que dire.

Il n'arrivait pas à croire qu'il avait embrassé Uial, sans penser à autre chose. Il avait offert son premier baiser à un homme, certes très séduisant, mais homme tout de même.

Quand il entendit le fleuriste se râcler la gorge, il prit peur et posa ses doigts sur ses lèvres, pour qu'il se taise, puis se penchant vers lui, il murmura :

"-Ne dis rien, je sens que si tu parles, je le regretterais."

Il se baissa doucement, et s'arrêta à quelques milimètres de Uial.

"-Si tu veux m'arrêter, fais-le maintenant."

Il n'arrivait pas à croire qu'il faisait ça, où trouvait-il la force de faire tout ça, où il puisait l'arrogance de chercher ses lèvres. Uial était-il d'accord, d'ailleurs ?

Uial retourna la tête, revenant à Ysaak, et ôta sa main pour prendre à nouveau ses lèvres, enroulant ses bras autour des épaules du brun opur l'attirer plus à lui.
Un seul mot dansait dans sa tête, étouffant sa raison qui lui hurlait d'arrêter, sous peine d'être maudit: "encore".
Il ouvrit la bouche, laissant sa langue glisser au dehors pour venir caresser les dents et la chaire humide de celle d'Ysaak.
Il en avait assez de toute cette mascarade. Ca vie n'avait été qu'une façade, pleine de fissures, et cela, seul sa rencontre avec le brun le lui avait fait comprendre.
Il s'était tenu de jouer un rôle depuis la mort de sa famille, celui d'un homme souriant et droit, passionné par la Nature, toujours doux et bienveillant, à l'écoute des autres.
Il avait espéré, depuis ce jour funeste, noyer sa solitude en faisant un travail qui nécessitait de la minutie; il avait espéré oublier sa peine en soignant celle des autres; il avait espéré vivre comme avant en tuant ses souvenirs grace aux discussions futiles qu'il entretenait avec les gens qui l'entouraient.
Mais le brun lui avait fait prendre conscience de la réalité: ses jours soit-disant paisibles étaient menacés; la tristesse et le désespoir le rongeaient et aller le tuer, seul moyen pour l'être immortel qu'il était de passer de l'Autre Côté.
Les fantômes qui hantaient son esprit avaient besoin d'un exorciste pour se libérer, et Ysaak était peut-être celui qu'ils attendaient.
Leur baiser se fit plus langoureux, et Uial osa prendre la main blessée d'Ysaak dans la sienne pour la serrer contre son coeur battant.
Avec ce geste, un autre des poids qui pesait sur lui s'envolait, pour un temps du moins. Il s'était toujours détesté d'être aussi faux. Il s'était haï de partager le même lit qu'Aldanea, sa femme, et de répondre à ses caresses et à ses mots doux, alors qu'il préférait nettement discuter de longues heures avec le forgeron ou son voisin - sans jamais aller plus loin bien sûr - et se réfugier dans ses rêves secrets où Aldanea était loin, bien loin d'exister.
Il ne la détestait pas, mais il l'aimait plus comme une soeur, ou comme celle qui lui avait permis d'avoir des enfants. Deux si adorables petits garçons qui bénéficiaient de l'amour véritable qu'il leur portait.
Mais tout le reste n'était que mensonge.
Ysaak mettait le doigt sur sa vérité.
Mais était-ce seulement juste, pour Aldanea, Anor et Ithil, et tout les autres...? Pour ceux qui l'avaient toujours cru dans son rôle d'homme parfait et épanoui?
Uial ferma les yeux très fort et rafermit sa prise sur la main et le corps d'Ysaak.

Ysaak gémit, quand il sentit Uial prendre sa main blessée et la presser contre son coeur, il sentait le jeune homme hésiter, et il le comprenait. Comment pouvait-il rennoncer juste pour lui, à ce qu'il avait été : un père, un mari certainement aimant. Il osait s'interposer là-dedans, il le touchait, l'embrassait, voulait quelque chose de lui mais pouvait il le lui donner ? Uial était-il comme lui en ce moment, voulait-il autre chose ?

Il eut sa réponse quand Uial le serra plus fort contre lui, scellant pour de bon le contact de leur corps. Il sentait son âme réagir, une chaleur trouble et inconnue s'emparer de lui. Il n'avai jamais fait ça avant, tout était inconnu, mais il aimait ça, il désirait connaître plus.

Vaillament, il glissa ses mains sous la tunique de Uial, il effleurait sa peau blanche, mais n'osait aller pus loin, malgré tout. Les jambes repliées de chaque côté du bassin du fleuriste, il se retrouvait soudain incapbale de continuer, il avait besoin de l'aide du blond, pour savoir ce qu'il fallait faire.

Leurs bouches s'étaient séparées plusieurs fois; Uial avait déposé une ligne de baisers délicats le long de la mâchoire d'Ysaak, il avait sucé son oreille et mordillé le bout de son nez, mêlé ses doigts à ses cheveux et soupiré dans son cou. Le brun lui rendait ses attouchements, et ils se laissaient peu à peu aspirer tout deux dans le vide douloureux et délicieux à la fois du plaisir physique.
La bouche d'Ysaak contre la sienne, et la chaleur qui filtrait de son corps lui procuraient des sensations si nouvelles et si différentes, tellement loin de tout ce qu'il avait pu connaître avec les êtres de sexe féminins...
Pourtant, un baiser ne restait-il pas juste un baiser, que se soit avec une femme ou un homme?
La principale nuance résidait dans le fait que ce que lui faisait Ysaak était tout ce dont il avait toujours rêvé en secret, honteux et triste d'être anormal. La conception de ses enfants, et ses autres fois avec Aldanea, il ne s'en souvenait pas, ou si peu, tant son esprit était accaparé par d'autres désirs.
Pourtant, lorsque la main chaude de son cadet se posa sur sa peau, et qu'un frisson parcouru son corps entier, il ne pu s'empêcher d'ouvrir les yeux et d'avoir soudainement peur.
Avant même d'avoir pensé son geste, il avait levé les bras et repoussait doucement mais sûrement Ysaak, et il se redressa avec lui, remontant le col de sa tunique qui avait glissé de son épaule.

- Non..." murmura-t-il faiblement, tentant de trouver un objet dans la pièce auquel fixer son regard hagard. "Non, je suis désolé...

Ysaak ne comprenait pas, pourquoi le repoussait-il si soudain ? Il avait fait quelque chose de mal, de coupable ? Il n'en avait pas l'impression, alors pourquoi n'en voulait-il plus ? Il avait l'impression de s'être fait lésé, il avait offert quelque chose de précieux, quelque chose qu'il n'avait jamais mis entre les mains de quelqu'un, et Uial l'avait broyé, en le repoussant.
Il se releva doucement, réajustant son pull, et retira brusquement ses doigts que Uial avait gardé à lui. Il se redressa, et murmura :

"-Je suis désolé, je n'aurais pas dû... Vous... Vous n'avez pas besoin de moi."

Il recommençait à le vouvoyer, la barrière revenait, et il ne pouvait rien faire contre. Il recula de quelques mètres, tandis que Uial restait agenouillé, sans broncher. Ysaak sentit quelque chose se briser, et il fit brusquement volte face et dévala les escaliers qui le menaient dehors traversant le magasin, se heurtant dans un pot, renversant un arbuste, et sortit enfin, rejeté dans la nuit, dans la rue à peine éclairée. POurquoi luui ?

Uial voulu protester lorsqu'Ysaak retira vivement sa main de la sienne, mais le brun le devança en s'excusant. Sa voix tremblait, il semblait perdu et profondément déçu, même blessé.
Il l'entendit dévaler les escaliers et faire tinter le grelot d'entrée du magasin, et il ne chercha pas à le retenir. Au lieu de cela, il se prit le visage entre les mains et éclata une nouvelle fois en sanglots.
Tout était fini, à présent.
La vie allait continuer, aussi pénible et harrasante que lors de ses premières années à Asiya, alors qu'il était tout juste sorti de son errance.
Le feu qui brûlait dans son bas-ventre lui faisait affreusement mal à présent, et il avait beau tenir sa tunique à l'en froisser, cela ne changeait rien. Il avait l'impression qu'un millier d'aiguilles chauffées à blanc lui transperçaient les tripes.
Il pleurait et pleurait encore, sans parvenir à se calmer, ses gémissements résonnants dans le silence de la pièce.
Les bols encore pleins, la théière, le fauteuil reculé, tout était là pour lui rappeller l'affreuse erreur qu'il avait fait en acceptant les baisers d'Ysaak.
Il ne savait même pas pourquoi il considérait cela comme une erreur. Tout dans sa tête tourbillonnait sans fin et lui faisait mal.
Il n'avait plus envie de faire autre chose que de pleurer, une partie de lui se demandant tout de même où pouvait bien être le brun, ce qu'il faisait et s'il daignerai le revoir un jour pour tout recommencer correctement.