dans la maison abandonnée...

A moitié nu, Natchina avait retrouvé son sourire - factice, mais sourire tout de même - et jouait de sa sensualité pour attiser le désir de son compagnon.
Il bougeait lascivement, murmurait des paroles excitantes, glissait sa langue sur ses lèvres, jouait avec les sens enflammés de l'homme afin de profiter pleinement de cet instant qu'il savait bien trop court pour lui.
Il lui fallait beaucoup plus qu'un seul et misérable humain pour rassasier sa faim de luxure, alors s'amuser plus longtemps ne lui ferait pas de mal.
Il en était à déguster les baisers de l'homme sur son ventre rond, agenouillé sur le lit et l'autre assit sous lui, lorsqu'il entendit un bruit étouffé à l'autre bout de la pièce.
Il vit Ky s'effondrer contre le battant de la porte, en larmes.
Le rouquin planta ses ongles dans le crâne de l'homme, mais soupira impercebtiblement et décida de faire comme si le semi-Elfe n'était pas là.
Après tout, il l'vait bien cherché, et Natchin lui avait dit qu'il ne voulait plus le revoir. Même si au fond de lui, le Démon se sentait absolument incapable de passer une vie sans Ky, il n'avait pas du tout envie de lui pardonner tout de suite. Sinon Ky n'avait pas finit de lui marcher dessus, puisque certain que le roux ne lui en tiendrait pas rigueur - ou si peu - et sa réputation de Démon sadique et impitoyable en prendrait un sacré coup.
Oui, ça faisait mal de voir une personne précieuse se détourner de vous et prendre du plaisir à âtre avec un autre. Et Natchin en avait assez d'être le seul à ressentir cela, injustement.
Ky pourrait avoir un peu de son attention qu'une fois qu'il aurait rendu l'homme exangue de toute force physique.
Ses gémissements de plaisir, camouflant ceux de douleur, résonnaient dans la pièce sombre.

Ky avait plaqué ses mains sur ses oreilles, mais il entendait encore chaque son qui provenait de la chambre. Il ne voulait rien voir, et recroquevillé contre le mur, il imaginait malgré tout la bouche de Natchin sur le corps de cet homme, ses mains sur la peau luisante de cet inconnu. Il percevait ses mots, qu'il lui mumurait à l'oreille, et il avait l'impression horrible que Natchin l'abandonnait, le trahissant, alors qu'il savait très bien que tout ceci était de sa faute et que son châtiment était mérité. Il ne devait plus qu'attendre et entendre les échos de sa punition infernale. Natchin l'avait vu et il le savait, Ky avait compris qu'il lui faisait payer. Il espérait qu'il accepterait de lui parler, de lui pardonner et si le seul moyen de le garder près de lui était de lui offrir sa propre personne, il céderait, au diable ses peurs et ses craintes. Il entendit les gémissements de plaisir de Natchin, et se demanda si ce plaisir charnel était tant agréable ? Lui n'avait subi qu'humiliation et souffrance à la limite du supportable. Il ne souhaitait qu'une chose, que Natchin se dépêche de finir, et qu'il lui pardonne, s'il en était capable.

Une heure plus tard, peut-être deux, et Natchin s'étirait comme un chat en bâillant bruyamment. L'homme a ses côtés était étendu, le regard fixe, la respiration imperceptible, comme mort - ce qui était une probabilité.
Le rouquin se leva du lit, remettant ses vêtements sans se hâter, puis il se tourna en direction de la porte.
L'aube n'allait pas tarder à se lever, et une très légère lueur rosée jouait sur le corps recroquevillé de Ky.
Natchin ouvrit la bouche, mais baissa les paupières et ne parla finalement pas. Son coeur se serrait; Ky devait avoir mal... Mais il ne voulait pas le pendre en pitié, pas maintenant, il était beaucoup trop humilié et blessé dans son amour propre pour cela.
Il marcha lentement sur le parquet poussièreux et passa devant son ami. En haut de l'escalier, il s'arrêta, et sans se retourner, il lâcha d'une voix atone:

- Tu devrais aller dormir, tu vas avoir une tête abominable demain...

Il descendit ensuite les marches une à une, guettant malgré tout une réaction de la part de Ky, puis il quitta la maison, les yeux fermés, ravalant sa douleur et ses sanglots.

Ky n'avait plus compté le temps, il avait juste entendu Natchin se lever, du lit qui craqua doucement. Il espérait que Natchin s'arrête et le serre dans ses bras, mais le démon passa devant lui sans un regard. Il pleura de nouveau mais refusa de se laisser faire, il se redressa, sortant de sa torpeur, et dévala les marches en bois, s'inquiétant peu de savoir pourquoi l'homme n'était pas sorti. Il sauta les dernières marches et quitta la maison à son tour, courant après Natchin, qui ne s'était pas retourné. Il se jeta sur son dos, se serrant contre lui, l'arrêtant, pour qu'il ne continue pas sa marche.

"-Pardon, pardon, je t'en prie. Je t'aime... Pardon... Je ferai tout pour me faire pardonner. Je t'aime, s'il te plaît, ne me laisse pas..."

Il s'était remis à sangloter, et espérait toucher Natchin dans sa sensibilité, mais le démon était si en colère, qu'il craignait l'avoir perdu pour de bon. Il avait été stupide, et pour laver ses bêtises, il était prêt à faire n'importe quoi, pour ne pas perdre l'amour de Natchin.

La route sombre et froide sur laquelle marchait Natchin était atroce.
Le ciel grisâtre, le silence de la vile, les gravier sous ses pieds nus, le vide de son coeur; tout cela lui faisait mal.
Pourtant, toute sa vie durant, il avait été heureux, il n'avait fait que s'amuser et rire, on ne lui avait pas appris la compassion ni la pitié et cela lui ôtait un poids certain de la conscience. En venant à Asiya, il était tombé amoureux de cette ville parce qu'elle était belle et drôle, pleine de gens torturés qu'il ferait bon d'embêter un peu; mais paradoxalement, la petite, toute petite partie de son coeur qui avait souvent raison mais qu'il n'écoutait jamais lui criait qu'il allait se brûler l'âme ici.
En Ky il avait tout trouvé: un semblable, un ami, un frère, un confident, un compagnon, un souffre-douleur, un maître... A présent, il lui était inconcevable de vivre sans.
Et au détours du chemin, sans prévenir, voilà qu'ils avaient tout brisé... la faute à qui? Natchin ne le savait pas - était-ce lui ou Ky qui le premier avait jeté la pierre? - mais il s'en fichait. Pour le moment, il avait juste envie d'être seul et de laisser les larmes invisibles de la souffrance quitter son corps.
Il lui semblait qu'il marchait depuis des jours, tant le monde autour de lui paraissait avoir perdu sa couleur et sa chaleur... Puis il se sentit tiré en arrière, plaqué contre un petit corps tremblant, une voix gémissante qui pleurait à son oreille.
Pardon, s'il te plaît, je t'aime, ne me laisse pas...
Les mêmes mots qu'il avait souvent voulu dire à Ky - peut-être qu'il l'avait déjà fait, il ne s'en souvenait plus, tout était si flou en lui...
Natchin se raidit et serra les dents.
Il voulu faire un pas en avant, se détacher de cette douleur, mais Ky avait plus de force qu'il ne le laissait paraître.

- Je..." le rouquin respira profondément. "Je ne sais pas si je peux te pardonner maintenant.

Sa voix tremblait, l'air lui déchirait la gorge, et ses yeux voyaient trouble.

- Laisses-moi... Je ne peux pas encore...

Laisse moi... Laisse moi... Laisse moi...

Ky entendait encore et encore ces mots, qu'il aurait préféré tus, mais le mal était fait. Il ne voulait pas lâcher Natchin, mais malheureusement le démon ne désirait plus entendre parler de lui. Il avait cru qu'en venant ici, tout irait mieux, mais c'était encore plus douloureux. Il lâcha Natchin, et renifla, puis passa une main sur ses yeux, pour en chasser des larmes remplacées aussitôt par d'autres. Ses bras tombèrent le long de son corps et murmura :

"-Comme tu veux... Je comprends. Ne me pardonne pas alors, je t'oublierai ainsi."

Il tourna le dos à son ami, et courut loin de lui, regagnant au plus vite sa demeure. Il rentra dans sa chambre, puis se lava rapidement, essayant de faire taire ses pleurs, par la chaleur de l'eau. Il se regarda dans un miroir et se détesta soudain.? Tout de lui était horrible. Il planta ses ongles dans sa peau, et se griffa. Il se changea, et passa un pantalon noir et un pull de la même couleur, retira chacun de ses bijoux, et sortit sans fard. Il fallait qu'il aille rendre visite à Naur, pour s'excuser, et essayer de ne plus penser à Natchin, de ne plus y songer, de le rayer de sa mémoire. Il déjeuna, et vers huit heures, prit la direction de l'école.